Nazisme et communisme : des caricatures désastreuses du judaïsme et du christianisme
- Jp Louis
- 12 oct. 2015
- 8 min de lecture

par Charles-Eric de Saint Germain
On sait que les deux régimes totalitaires les plus meurtriers du XX è siècle, le nazisme et le communisme, ont été particulièrement violents à l’égard du peuple juif (pour le nazisme) et du peuple chrétien (pour le communisme), soumis l’un et l’autre à de violentes persécutions. La question se pose néanmoins de savoir s’il n’y a pas une « secrète filiation » entre judaïsme et nazisme, entre christianisme et communisme, en sorte que ce serait peut être, finalement, leurs communes aspirations qui justifieraient la « violence » de leurs relations.
Tout se passe comme si, en fin de compte, nazisme et communisme avaient eu besoin de se « débarrasser » d’un ennemi gênant, contre lequel ils se sont retournés avec d’autant plus de virulence qu’ils voulaient, en quelque sorte, « prendre leur place », en renversant le dessein d’alliance de Dieu à leur propre profit. Pour étayer cette thèse, qui paraîtra sans doute paradoxale à certains, mais qui pourrait éclairer l’histoire comme une sorte de « drame cosmique » se jouant entre le plan de Dieu et celui de Satan (qui veut défaire le plan de Dieu), on commencera par observer que certains thèmes, en effet, se retrouvent de manière récurrente dans le judaïsme et dans le nazisme :
Importance accordée à la préservation de la pureté du sang (le sang, c’est l’âme), d’où le refus des « alliances » avec des peuples étrangers.
Rôle de la terre comme lieu de constitution de la nation (terre « promise » pour Israël, « amour du terroir » très présent dans le nazisme, à travers l’importance de la « terre natale », lieu d’enracinement de la « patrie », et à travers l’importance accordée aux agriculteurs et à ceux qui travaillent la terre)
Vocation prophétique du peuple d’Israël, en tant que « peuple élu». Vocation prophétique du peuple allemand, et supériorité de la race aryenne, comme race « élue ».
Sacralisation de la langue (écriture hébraïque pour Israël, langue germanique pour l’Allemagne, la langue étant considérée comme constitutive de l’identité allemande, puisque c’est dans la langue que se trouve déposée le « génie » d’une nation).
Mais ces thèmes communs et ces « similitudes » ne doivent pas masquer les profondes divergences, qui font du peuple nazi la simple « caricature » du peuple d’Israël, car l’intention profonde qui anime ces points de convergence ne sont, bien sûr, pas du tout les mêmes…
La préservation du sang, dans le peuple d’Israël, est liée à des raisons « hygiéniques », pour éviter la contamination par des peuples barbares qui s’adonnent à des pratiques déviantes. En s’éloignant de la loi de Dieu, une alliance avec ces peuples risquerait de mettre en péril la survie du peuple d’Israël, de ses « pratiques religieuses », qui risqueraient d’être contaminées par l’idolâtrie des peuples païens. Le nazisme, en revanche, fonde la « filiation » sur la supériorité biologique de la race aryenne, dont le « sang » constitue l’âme.
Pour le peuple juif, la terre est seulement une « terre promise» (la condition exilée, celle du « juif errant », est là pour nous rappeler que nous ne sommes que des « voyageurs » sur cette terre, des pèlerins, et que la véritable « patrie » du croyant se trouve au ciel, dans la « Jérusalem céleste »). Les difficultés du peuple d’Israël à pouvoir vivre enfin en paix sur sa terre, malgré le retour de la diaspora et la création de l’État d’Israël en 1948, semblent confirmer cette idée. Le nazisme, au contraire, fait de la terre non pas une « promesse », mais une « propriété » dépositaire d’une communauté de destin.
Dans le judaïsme, comme l’a bien montré Levinas, l’élection, bien qu’inscrite dans les liens de la chair et du sang, est d’abord comprise comme un service, ce qui est un appel, pour Israël, à être la « lumière des nations», comme le rappelle le prophète Esaïe. Dans le nazisme, cette « élection » est vue comme une supériorité, qui confère des « droits » au peuple élu sur les autres peuples, ce qui conduit à l’écrasement et l’extermination de ceux qui pourraient contribuer à la détérioration de la race aryenne.
La langue sacrée, dans le judaïsme, est une langue réservée aux offices religieux. Elle n’est pas la langue officielle du peuple d’Israël, la langue parlée de tous les jours, et témoigne par là de son origine divine là où la langue allemande, dans ses origines, sourd des profondeurs des « hordes barbares ».
Mais on pourrait faire le même constat sur les parallèles frappants qu’il peut y avoir entre le christianisme et le communisme :
Mondialisme: le peuple chrétien est un peuple qui va au-delà des frontières des nations, des langues, des cultures, des sexes. Aucun homme n’est a priori exclu de l’alliance pour des raisons liées au sexe, à l’ethnie, à la culture ou à la condition sociale. Il y a bien une extension mondiale de l’alliance « En Christ, dit Paul en Ephésiens, il n’y a plus ni homme, ni femme, ni grecs, ni juifs, ni esclave, ni homme libre ». Cette « nouvelle alliance », ajoute l’apôtre, abolit les « murs de la séparation et de la haine », qui éloignaient les hommes les uns des autres, et permet la réconciliation des hommes (comme on le voit au jour de la Pentecôte) par delà ce qui les divisait depuis Babel, à savoir la langue, la culture, l’ethnie, etc. Pareillement, le communisme prétend supprimer les distinctions fondées sur des appartenances particulières, comme la religion, le sexe, la culture, la classe sociale, en sorte que ce n’est plus au niveau de ces particularismes, mais au niveau de la reconnaissance de l’humanité générique en chacun, que les hommes pourront enfin être réconciliés puisqu’ils seront réduits à l’identité de leur nudité d’homme, et non plus divisés en « bourgeois » et « prolétaires », c’est-à-dire séparés les uns des autres et du tout de la communauté par leurs particularismes biologiques ou sociaux.
Idéal de fraternité: Dans le christianisme, les hommes, suite à la régénération de leur nature, ne sont plus « ennemis » les uns des autres, mais ils deviennent tous « frères et sœurs » en Christ, et se considèrent comme égaux devant Dieu. Dans le communisme, les hommes, n’étant plus divisés en espèces (ou plutôt en « classes » distinctes) du fait de la suppression des classes sociales, ils sont désormais tous « unis » et se considèrent, sous l’angle de leur égalité effective, comme des « camarades ».
Sens du partage, de la communauté: Il est dit, dans les Actes des apôtres, que les premiers chrétiens mettaient « tout en commun ». Pareillement, le communisme, tel que le pense Marx, supprime la propriété privée, en tant qu’elle est source de division entre les hommes, et conduit à l’exploitation de l’homme par l’homme, au profit de la propriété collective.
Importance accordée au thème de la régénération: suite à la déchéance consécutive au péché d’Adam, l’homme a besoin d’une régénération de sa nature par la grâce, puisque l’héritage du péché d’Adam a corrompu cette nature. La régénération, ou « nouvelle naissance », fait de l’homme un « homme nouveau », qui doit parvenir à dominer le « vieil homme » en se renouvelant constamment à l’image de son créateur. Pareillement, le communisme insiste sur la régénération de la nature humaine, notamment grâce à la « culture », qui doit, en niant la nature, conduire à l’autocréation de l’homme par l’homme, c’est-à-dire à la création d’un « homme nouveau » qui ne doit plus rien à la nature biologique qu’il a reçue à sa naissance.
Mais là encore, ces similitudes frappantes ne doivent pas nous aveugler sur les différences essentielles, qui expliquent pourquoi le communisme ne peut être, en fin de compte, qu’une simple « caricature » du christianisme dont il s’inspire :
L’universalisation chrétienne de l’alliance ne conduit pas à l’abolition des identités particulières, mais elle nous signale que c’est seulement « en Christ », moyennant la « nouvelle naissance », que nous trouvons notre véritable identité, celle d’être « enfant de Dieu ». Les identités secondaires (liées à l’appartenance sexuelle, nationale, sociale, etc.) ne sont pas abolies, mais elles sont simple-ment relativisées, ce qui permet une réconciliation des hommes entre eux par la reconnaissance d’une commune appartenance (à Christ) par delà les différences particulières. Dans le communisme, en revanche, toutes les « identités secondaires » sont abolies par arrachement à ce qu’elles avaient de « particulier », ce qui conduit moins à la réconciliation des hommes entre eux qu’à leur perte complète de « repères » dans une humanité désormais indifférenciée et uniformisée, où les femmes se comportent comme des hommes et s’habillent comme eux.
Dans le christianisme, l’idéal de fraternité conduit l’homme à aider son prochain et à l’aimer : c’est l’amour qui constitue par excellence la source du lien fraternel, ce par quoi l’on reconnaît qu’ils sont « frères ». Et cet amour n’est pas réservé à ceux qui ont été régénérés, puisque le Christ nous invite à « aimer nos ennemis », ce qui est un moyen, peut être, de les gagner à Christ. Dans le communisme, le lien qui soude les membres de la communauté est moins le lien de l’amour que la commune « haine » de l’ennemi de classe héréditaire, d’où la nécessité, pour réaliser cet idéal de fraternité, d’en passer par la « lutte des classes », laquelle conduit, bien souvent, à la destruction de l’ennemi, lors de la révolution prolétarienne, beaucoup plus qu’à la récon-ciliation avec lui.
Dans le christianisme, le « sens du partage» est intimement lié à la volonté de rendre l’autre autonome, de lui confier des « responsabilités » pour qu’il puis-se contribuer à l’édification du corps du Christ, en fonction des « dons » et des « talents reçus ». D’où la dénonciation de l’oisiveté comme étant un vice. Dans le communisme rêvé par Marx (qui ne coïncide pas avec le communisme historique), l’homme ne travaillera que quelques heures et pourra se consacrer à des loisirs oisifs, et la solidarité sociale, loin d’émanciper les individus, les transforme plutôt en « assistés » qui reçoivent tout de la communauté, laquelle pourvoit à l’ensemble de leurs besoins.
Enfin, si le thème de la régénération est présent dans les deux cas, les modalités de celles-ci sont bien différentes : dans le christianisme, c’est l’Esprit Saint qui régénère l’homme, moyennant le don de la foi et la circoncision du cœur. La régénération est ici l’œuvre de Dieu, c’est une grâce que l’homme reçoit comme un don gratuit. Dans le communisme, en revanche, la création de l’homme nouveau n’est pas l’œuvre de la grâce, mais c’est l’œuvre de la culture (bildung) et de la technique, qui façonne l’homme qu’elle considère comme un simple « matériau » manipulable. En s’auto-créant, l’homme ne fait ici que « singer » l’œuvre de son créateur.
Concluons brièvement : si le peuple nazi parodie le peuple d’Israël, si le communisme parodie le christianisme, cette « double caricature » a sans doute contribué à la « séduction » exercée par les deux grands régimes totalitaires du XX è siècle. C’est peut être la « lueur de vérité », qui se reflétait encore en eux de manière biaisée et falsifiée, qui a fait toute la « force de séduction » de ces deux idéologies sur certaines consciences (la séduction, par définition, joue sur le paraître et l’imitation de ce qu’elle n’est pas, et qu’elle parodie de ce fait). Mais précisons aussitôt que, si caricature il y a, cette caricature ne peut être, ici, qu’une caricature diabolique : ne dit on pas que le diable « singe » Dieu ?
Source : InfoChrétienne
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