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Fin des temps : Daech et les démons de l'Apocalypse


En jouant sur une lecture prophétique des événements pour convaincre de l'imminence de la fin des temps, l'État islamique porte à incandescence l'embrigadement de troupes djihadistes galvanisées. Un opportunisme apocalyptique que décrypte pour nous Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris) et auteur de Les Arabes, leur destin et le nôtre (La Découverte).

Vous montrez, dans L'Apocalypse dans l'islam (Fayard, 2008), que les partisans de ce que l'on nomme aujourd'hui « djihadisme » emploient une rhétorique apocalyptique héritée des premiers siècles de l'islam. Que dit la tradition musulmane au sujet de l'Apocalypse ?


Quand j'ai publié L'Apocalypse dans l'islam en 2008, je relevais qu'Al-Qaïda n'était heureusement pas animée par une vision apocalyptique. C'est en revanche le cas de Daech, ou en tout cas de sa propagande, car il ne faut jamais exclure ce que j'appelle « l'opportunisme apocalyptique », soit la manipulation d'une rhétorique eschatologique (relative à la fin des temps) pour amplifier le recrutement. Des traditions attribuées au prophète Mahomet lui-même situent la bataille de la fin des temps dans le nord de la Syrie, entre les localités d'Aamaq et de Dabiq. Daech a choisi de donner le nom de la première à son « agence de presse » et de la seconde à son magazine en ligne, diffusé dans de très nombreuses langues. Selon cette même tradition, les musulmans affronteront là les « Roum », c'est-à-dire les orthodoxes, d'où une véritable envolée des montées au djihad depuis le début, en septembre dernier, de la campagne de Poutine en Syrie, qui a paru « confirmer » ces prophéties. Les musulmans sont censés triompher après la mort d'un tiers d'entre eux et la défection d'un autre tiers.

Sunnites et chiites partagent-ils la même vision de la fin des temps ?

C'est sur la figure du Mahdi, littéralement « le bien-dirigé », que divergent sunnites et chiites. Pour ces derniers, le Mahdi correspond au douzième imam, descendant du prophète Mahomet par son gendre Ali. Occulté aux yeux des hommes depuis le Xe siècle, cet « imam caché » réapparaîtra à la fin des temps pour rétablir la Loi de Dieu. Les interprétations sur le lieu de cette réapparition - Arabie, Iran ou Irak - divergent suivant les auteurs chiites. Pour les sunnites, en revanche, c'est Jésus, en arabe Issa, l'avant-dernier prophète de l'islam, qui est l'instrument de la victoire ultime de l'islam. Il est censé revenir à Damas, très précisément sur le minaret blanc de la mosquée des Omeyyades, et y combattre l'Antéchrist ou « Faux-Prophète », le Dajjal. Le Mahdi est pour les sunnites au service de Jésus/Issa dans cette bataille apocalyptique. Mais il est frappant, sans rentrer dans les détails, de voir comment les prophéties sunnites et chiites s'emboîtent littéralement chez les plus extrémistes des miliciens qui se combattent sur le théâtre syrien, Daech et fanatiques pro-iraniens croyant chacun jouer un rôle déterminant dans cette bataille de la fin des temps.


À quel moment cette rhétorique apocalyptique est-elle revenue sur le devant de la scène dans le monde contemporain ?

Le grand tournant est 1979, car un soulèvement millénariste secoue La Mecque le premier jour du XVe siècle du calendrier islamique. Cette insurrection est menée par un Mahdi autoproclamé, de nationalité saoudienne, mais son groupe d'insurgés est composé de militants d'origines très diverses, avec même des combattants américains.


Une telle phalange apocalyptique parvient à contrôler le lieu le plus saint de l'islam pendant plus de deux semaines et le régime saoudien doit appeler la France et son GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) pour enfin déloger les révoltés du saint des saints. L'angoisse eschatologique ainsi réveillée par un tel sacrilège, en novembre 1979, est accentuée, le mois suivant, par l'invasion soviétique de l'Afghanistan, car ce pays est connu dans la tradition islamique comme le Khorassan, d'où des « drapeaux noirs » se lèveront à l'approche de la fin des temps. Mais, de 1979 jusqu'à aujourd'hui, il y a une relation inverse entre l'ouverture du champ politique et les poussées de fièvre apocalyptique, car ces poussées se nourrissent de l'impasse politique et de la violence débridée qui en résulte.






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